On a coutume de dire que les yeux sont le miroir de l'âme. En matière d'arts plastiques, c'est plus assurément le regard de l'artiste qui s'avère -parfois- être ce médium là. (Il y a bien entendu derrière ce parfois ce en quoi nous pouvons reconnaître le talent véritable et qui se situe bien au delà de n'importe quelle habileté de façade)
Il suffit ainsi de voir quelques tableaux de Béatrice Lacombe, et je pense en particulier ici à la série des ponts qu'elle a peints récemment, pour être - sur l'instant captivé par ce que son regard ajoute à ces arches et à ces piles de pierre dont vous croyiez (comme je le croyais également) avoir fait le tour depuis des années seul, face à la toile. et que, pourtant, vous n'aviez jamais connu aussi intimement que maintenant,
Vous découvrez en effet avec cette huile, ou cette gouache, la force d'une évidence qui soudain se révèle à vous et avec laquelle vous vous sentez immédiatement en accord.
La lumière d'abord. Celle que Béatrice a patiemment capturée sur les berges du Rhône au cours de longues périodes d'apprivoisement.
La couleur ensuite. Vous le saviez confusément, vous en avez désormais la confirmation; voyez ce pont: il est bleu! (Il l'était bel et bien ce rare petit matin d'hiver)
Le geste également. Qui naturellement lui est personnel, et qu'elle est allée chercher très loin en elle dans l'entrelacs des veines et des nerfs pour s'en faire avec le temps le plus fidèle des amis.
Quant à ce qui touche à l'âme de ce pont, et qui en est donc l'essence même, vous pourrez surtout, dans chacun de ces tableaux, percevoir derrière l'air le battement d'ailes d'un Ange ... au sujet duquel, à l'origine de son projet, l'auteur de ces toiles ne possédait que l'intuition, bien ancrée cependant, d'une présence singulière.
Mais lorsque, après des heures d'observation opiniâtre, cette intuition s'est peu à peu transformée en certitude, elle n'a alors eu de cesse d'aller à la rencontre de ce géant diaphane afin de lui rendre enfin, ici, devant vous, sa liberté première.
Il ne tient dorénavant qu'à l'exercice de votre propre regard de partager ce grand secret.
Voilà, plus que sommairement exposée, une partie de l'art de Béatrice Lacombe. Une partie bien minime forcément. Il aurait (pour le moins) fallu évoquer (car cela est intrinsèquement au cœur de son travail) sa joie, son audace et sa générosité. Son obstination aussi.
Mais, si vous avez le désir d'en savoir un peu plus sur cette œuvre qui donne subtilement à voir, laissez-vous à présent guider par ces toiles jusque de l'autre côté du miroir.
C'est là un voyage qui mérite d'être entrepris.
Gérard Allibert
Le 3 février 2013
<A l'origine de tous les pont, il y a un ange qui, renonçant aux cieux, déploie pour toujours ses ailes entre les berges d'un fleuve
<<.
Ivo Andric